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La saison des sentinelles

Le plan Vigipirate a pour objectif d’assurer une protection permanente des citoyens contre la menace terroriste et de développer une culture de vigilance de l’ensemble de la population.

Voici donc venu le temps des vigies. La figurine militaire que j’ai placée au cœur de mes images symbolise cet état d’urgence face auquel nous opposons imperturbablement notre goût de la liberté, sans évacuer pour autant la conscience du danger. Drôle de saison comme on dirait « drôle de guerre » dans un monde précaire et instable.

Le philosophe Marc Crépon revient sur cette épreuve de la haine (ci dessous).

« Notre regard devrait-il changer depuis que la crainte légitime d’un nouvel attentat, imprévisible et brutal, hante les espaces que nous traversons, occupons et partageons avec les êtres, inconnus ou familiers, que nous y croisons ? La terreur est un cancer de la méfiance. Elle ne cherche rien d’autre qu’à détruire la confiance dont nous avons besoin pour arpenter, avec un minimum de sérénité, les rues d’un quartier, fréquenter ses cafés et ses salles de spectacle, emprunter les transports qui ouvrent la ville à nos pas, libres et aventureux. Comment survivre à sa perte ? Comment la restaurer ? Les photos de Philippe Bertin apportent une double réponse. Elles nous rappellent que, depuis plusieurs années, des sentinelles veillent sur notre sécurité. Elles se fondent dans le paysage, à la porte des bâtiments publics, dans les gares et les parcs, partout autour de nous. Mais en figurant ces gardiens par des jouets de plastique, ces instantanés nous disent aussi combien, aussi nécessaire soit elle, leur protection reste exposée et fragile. Il faut si peu pour les faire tomber ; et, comme on le sait malheureusement, la folie meurtrière qui se retourne contre leur présence symbolique ne s’arrête jamais. Autant dire qu’il serait vain d’en attendre plus qu’ils ne peuvent donner. Voilà la grande leçon de ses photos ! C’est en nous que nous trouverons, avec leur soutien, la force de surmonter l’épreuve de la terreur. Ce que nous avons de mieux à lui opposer reste encore ces gestes, ces attitudes, ces regards bienveillants, ces sourires qui affirment, haut et clair, que nous ne tomberons pas dans le piège de la violence. Rien ne nous perdra, tant que nous y tiendrons. Aussi notre vigilance est-elle de nous garder de dire ou de faire, sous le coup de la peur et de la colère, des choses qui reviendraient aussitôt à renoncer aux miraculeux partages du temps et de l’espace qui devraient longtemps encore nous permettre de vivre ensemble. »

 

Marc Crépon

Philosophe

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